Edouard Baijot

Entretien avec un Master of Wine

Pour Edouard, sa carrière dans le vin a démarré tout naturellement. Ayant grandi dans la région de la Côte des Blancs, il a été irrémédiablement attiré par l’industrie qui a façonné l’histoire, la culture et le développement de sa région natale. Edouard s’est intéressé très tôt au monde viticole et sa passion continue de grandir.

Il est finalement entré dans l’industrie du vin en 2002 chez E&J Gallo, où il se trouve encore aujourd’hui après avoir été promu Director of Luxury Wines – International.

La passion et la curiosité d’Edouard sont au cœur de son succès. Cela apparaît évident lorsqu’il raconte les moments, les réflexions et les expériences qui ont façonné sa philosophie du vin.

Chief Wine Officer: Comment êtes-vous tombé amoureux du vin pour la première fois ?

Edouard Baijot : Avant de tomber amoureux du vin pour ses qualités organoleptiques, je l’ai aimé pour son histoire, ses paysages, sa culture et la place qu’il représente dans nos sociétés et dans notre mode de vie.

Le vin a toujours été au cœur de nos évènements familiaux, de nos déjeuners dominicaux et je me rappelle assez jeune terminer les fonds de flûtes laissés par les convives ou être autorisé par mes parents à tremper mes lèvres pour goûter.

Plus tard, jeune scout ; c’est en arpentant les vignobles de la côte des blancs, de la vallée de la Marne et de la montagne de Reims au rythme des saisons que j’ai pu constater les paysages enchanteurs dessinés par les vignes, les forêts et les clochers. Vertus, Le Mesnil, Cramant, Ay, Boursault, Louvois ou Avenay Val d’Or ; tous ces noms résonnent dans mes souvenirs d’enfance et ont lentement germé pour se transformer en passion.

Quant à mon premier grand souvenir de dégustation, il s’agit bien évidemment d’un Champagne ! Jeune étudiant, je faisais un stage marketing chez Veuve Clicquot au cours duquel j’ai eu l’opportunité de visiter la célèbre Maison Ruinart à Reims. Le chef de cave de l’époque nous a fait l’honneur d’un Dom Ruinart Rosé 1986 dont les notes de roses séchées, d’épices et de petits fruits rouges sont restées gravées dans ma mémoire. Un véritable délice que j’ai eu la chance de déguster à nouveau près de 15 ans plus tard…

Que feriez-vous comme métier si vous n'étiez pas dans le domaine du vin ?

Beaucoup de métiers m’ont traversé l’esprit mais c’est surtout pour celui de vétérinaire que je me destinais lorsque j’étais enfant.

J’ai grandi à la campagne, entouré de chiens, de chevaux et de moutons ; je me rêvais en « Gentleman Farmer » au milieu de mes animaux tout en ayant un métier me permettant de vivre confortablement en monde rural.

Néanmoins, mes affinités scolaires avec l’histoire et l’économie plutôt que les mathématiques et la physique ont décidé de mon orientation. J’ai finalement pris la direction de Lille pour étudier le commerce et la gestion plutôt que celle de Maison Alfort.

Comment était-ce de grandir dans la région de la Côte des Blancs et quel impact cela a-t-il eu sur votre connaissance du vin ? 

Bien que n’étant pas issu du sérail Champenois et ayant des parents ne travaillant pas dans le vin, le Champagne était omniprésent dans ma vie par les paysages, les noms des villages, les gens que nous fréquentions et l’impact que l’industrie champenoise avait sur l’ensemble des activités économiques de la région.

Comme évoqué précédemment, j’ai toujours aimé l’histoire et c’est avant tout l’histoire des familles, des marques et des entreprises qui ont suscité ma soif d’apprendre et m’ont permis de développer mes connaissances. Ensuite c’est la fascination pour la complexité de la méthode de production et le génie de l’homme pour transformer un terroir initialement peu propice à la production de grands vins en l’une des régions les plus réputées au monde pour la qualité de ses vins. C’est d’ailleurs ce qui m’intéresse toujours le plus dans mes tribulations viticoles ; la compréhension de l’histoire, l’adaptation des pratiques culturales aux climats locaux et le savoir-faire de l’homme pour s’allier à la nature et en tirer le meilleur parti.

« Il n’y a pas de grands vignobles prédestinés, il n’y a que des entêtements de civilisation », affirmait Pierre Veilletet, écrivain Bordelais. C’est pour cette raison que j’ai une passion infinie pour le vin et sa culture !

Rien n’est figé, rien n’est inscrit dans le marbre et tout est possible si derrière, il y a la volonté des hommes.

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Le vin c’est avant tout des rencontres humaines, l’adhésion à une philosophie et à des pratiques viticoles ancrées dans le paysage local mais surtout des moments de convivialité et de partage.

– Edouard Baijot MW

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Quel est votre meilleur souvenir chez E & J Gallo ?

Je travaille pour E&J Gallo Winery depuis plus de 20 ans. Cette entreprise m’a beaucoup apporté en me permettant de développer à la fois mes compétences managériales et entrepreneuriales tout en assouvissant ma soif de découverte pour le vin.

L’un de mes meilleurs souvenirs reste ma première visite de nos caves en Californie où j’ai réellement découvert la taille de l’entreprise pour laquelle je travaillais. J’ai aussi été fasciné par la beauté des paysages de Sonoma et Napa Valley.

J’avais eu la chance de découvrir San Francisco lorsque j’étais étudiant mais je ne m’étais jamais rendu dans les vignobles. Le contraste entre la Central Valley, région très marquée par l’agriculture intensive avec des unités de production impressionnantes et les paysages bucoliques de la Russian River Valley ou de Dry Creek avec des caves plus traditionnelles fut assez saisissantes.

Mais bien évidemment, c’est l’obtention de mon titre de Master of Wine en février 2019 après plusieurs années de travail intensif qui reste mon souvenir le plus marquant et le plus émouvant.

Quelle est la différence la plus intéressante entre les vins du Nouveau Monde et les vins de l’Ancien Monde ?

Lorsque j’ai commencé à travailler dans le vin en 2002, les différences entre les vins du Nouveau Monde et de l’Ancien Monde étaient très marquées, à la fois au niveau des styles mais aussi de l’approche marketing et commerciale. C’est d’ailleurs en réalisant mon mémoire de fin d’études sur le marketing du vin que j’ai souhaité travailler pour une entreprise du Nouveau Monde afin d’apprendre à mieux appréhender les marchés.

A cette époque, les vins du Nouveau Monde étaient beaucoup plus fruités, avec des notes boisées facilement identifiables pour le consommateur, une sucrosité marquée en bouche et des étiquettes attractives avec des marques fortes qui mettaient le cépage en avant.

L’Ancien Monde quant à lui restait plus traditionnel avec la mise en avant de dénominations d’origine (la fameuse AOC puis AOP), des étiquettes un peu désuètes et des vins parfois plus difficiles à appréhender pour les consommateurs néophytes.

Aujourd’hui je ne dirais pas qu’il y a eu convergence, mais le Nouveau Monde ayant voulu se rapprocher de l’Ancien et parfois réciproquement ; les styles ne sont plus aussi marqués, chacun essayant d’exprimer au mieux son terroir en limitant les artifices. Beaucoup d’œnologues voyagent à travers le monde et les transferts de connaissances sont aujourd’hui simplifiés ce qui participent à une montée en gamme globale de la production.

Néanmoins, la liberté d’action et de la liberté d’entreprendre chez les acteurs du Nouveau Monde restent plus flexibles permettant ainsi d’innover plus facilement. L’Appellation telle que nous la connaissons en France est évidemment un trésor qu’il nous faut protéger mais qui limite trop souvent l’entreprise individuelle et les initiatives dont notre industrie a pourtant besoin pour capter l’intérêt des jeunes générations.

Y a-t-il une région viticole à laquelle vous pensez qui ne reçoit pas l'attention qu'elle mérite ?

En France, le Jura n’a pas encore la réputation qu’il lui ait dû en dehors des cercles d’initiés et des d’amateurs éclairés et pourtant cette région produit des vins d’exception, notamment les vins jaunes issus du cépage Savagnin.

Il s’agit, je pense, avec les Madères et les vins de Jerez des meilleurs rapports qualité-prix-plaisir qu’offre la planète vin.

Leur complexité aromatique, leur histoire, leur mode d’élaboration, leur capacité de vieillissement incroyable et leur subtilité pour des prix bien souvent inférieurs à 50 euros sont une aubaine pour les passionnés ou futurs passionnés.

Je trouve également que les grands rouges de Provence n’ont pas le traitement qu’ils méritent, trop souvent délaissés par de nombreux producteurs locaux au profit du rosé. Les terroirs de Bandol, des Baux de Provence ou des Côteaux d’Aix sont avant tout des grands terroirs de rouges et les meilleurs vignerons de la région offrent des rapports qualités prix fabuleux avec des vins de grande garde à des prix tout à fait abordables qu’il est indispensable de redécouvrir.

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Le réchauffement climatique est un défi qui comporte des risques pour notre industrie mais c’est aussi une période existante pour innover, faire évoluer les pratiques agronomes, repenser les écosystèmes dans leur ensemble mais aussi trouver des solutions techniques.

– Edouard Baijot MW

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Quel est, selon vous, le plus grand défi de l'industrie viticole ?

Le plus grand défi pour l’industrie viticole est indéniablement le réchauffement climatique et les problématiques que celui-ci engendre dans les régions actuelles de production.

Néanmoins il ne faut pas être alarmiste car c’est l’essence même de l’agriculture depuis que l’homme cultive que de s’adapter aux conditions naturelles et de trouver des solutions pour répondre à ces défis.

L’augmentation des températures nécessite des ajustements à court, moyen et long terme avec indéniablement une modification du style des vins dans les régions dites « classiques », mais aussi sur les 50 prochaines années une redéfinition probable des cartes viticoles dans de nombreux pays.

Le réchauffement climatique est un défi qui comporte des risques pour notre industrie mais c’est aussi une période existante pour innover, faire évoluer les pratiques agronomes, repenser les écosystèmes dans leur ensemble mais aussi trouver des solutions techniques et à terme faire évoluer la culture de la vigne à des latitudes plus élevées et voir ainsi émerger de nouvelles régions viticoles.

Qu'est-ce qui vous enthousiasme dans l'industrie du vin en ce moment ?

Que ce soit les défis que je viens de mentionner, l’émergence de nouveaux marchés, les habitudes de consommation qui changent notamment chez les milléniaux et la génération Z, la découverte de nouveaux terroirs ou encore la qualité des vins qui n’a jamais été aussi élevée ; les raisons d’être enthousiasme sont nombreuses, donnant à notre industrie tout son intérêt.

La prise de conscience de la filière pour soutenir une agriculture durable et raisonnée combinée à la demande croissante des consommateurs pour plus de traçabilité sont également des sujets passionnants à traiter au quotidien, et les progrès qui ont été faits par notre industrie en 10 ans sur ces points sont impressionnants.

Le monde viticole reste très fragmenté avec de nombreuses petites entreprises familiales ayant des contraintes économiques importantes et il n’est pas toujours facile de faire évoluer l’ensemble de la filière dans la même direction.

En terme de style, j’aime les vins qui expriment à la fois le terroir dont ils sont issus mais aussi la personnalité du vigneron qui les fait naître. Le vin c’est avant tout des rencontres humaines, l’adhésion à une philosophie et à des pratiques viticoles ancrées dans le paysage local mais surtout des moments de convivialité et de partage. Je suis très éclectique dans ma consommation mais j’aime avant tout la fraîcheur, la tension, un toucher de bouche délicat et la complexité aromatique révélée par les meilleurs crus après quelques années de vieillissement.

J’aime les vins élégants, racés avec quelques années de maturité.

Rencontrez Edouard

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